Une pierre sculptée qui intrigue (Escorailles)

En parcourant un ancien numéro de la Revue de la Haute-Auvergne (T73, 2011), je suis tombée sur un court article de Jean Le Guillou (1930-2011), vice-président de la Société « La Haute-Auvergne » de 1978 à 2010 intitulé L'énigmatique entaille de l'église d'Escorailles.

Eglise St-Jean-Baptiste (Escorailles, Cantal)

Cet article évoquait la découverte fortuite par l'auteur d'une pierre gravée visible au ras du sol dans le mur sud de l'église de cette commune ce qui n'a pas manqué d'attiser ma curiosité. Je suis donc partie en repérage, appareil photo en main.

Sur place, en raison de la proximité immédiate des vestiges du château des Scorailles, on imagine aisément que l'église actuelle fut bâtie à l'emplacement de l'ancienne chapelle castrale dont certains éléments ont certainement été réemployés.

Il n'y a qu'un moyen de faire (presque) le tour de l'église Saint-Jean Baptiste d'Escorailles, il faut pousser le petit portillon blanc à gauche du portail et déambuler lentement à la recherche de la fameuse pierre.

Pierres tombales adossées au mur sud (Escorailles)

Rien sur le mur ouest, je passe le chevet, toujours rien, puis quelques pierres tombales verticales datant du XIXe siècle, toujours rien sur le débord du mur, je continue encore un mètre environ et là, je la vois, elle est là, au ras du sol du mur sud de l'église, comme annoncé dans l'article de la R.H.A.

Une pierre qui ressemble étrangement à une croix, non ?

Je la photographie de face, de profil, de près, de plus loin, puis je fais un tour à l'intérieur de l'église qui, par chance, était ouverte. Le même jour, mes pas m'ont également conduite dans une autre commune, tout près de là, à Drignac où je voulais voir de près et photographier la fameuse croix de Saint-Babet puis je suis rentrée chez moi impatiente de voir ce que donnaient les photos du jour.

La pierre sculptée figure, en relief creux, un personnage au sexe indéterminé, à la tête ronde et disproportionnée par rapport au reste du corps dont on ne voit que le tronc, les bras et les mains qui semblent se joindre sur le ventre, ainsi que le haut des cuisses, probablement écartées, le reste est sans doute enfoui sous terre. Si ce n'était ces cuisses écartées, l'ensemble pourrait ressembler au revers de la croix de Saint-Babet visible tout près d'ici à Drignac.

Revers de la croix de Saint-Babet (Drignac)

Cette ressemblance n'est pas évoquée par Jean Le Guillou qui évoque, sans certitude, un élément pré-romain en raison de l'exhibitionnisme qu'inspire les cuisses écartées et des bouclettes qu'il croit distinguer sur la tête "disposées en vagues parallèles orientées vers l'arrière".

Difficile de distinguer la chevelure décrite par J. Le Guillou

Pour ma part, en prenant un peu de recul, le doute ne me paraît pas permis, cette pierre ressemble à un croix dont la partie terminale est sans doute sous terre. Si l'on y ajoute la ressemblance citée précédemment avec la croix de Saint-Babet de Drignac, on est vraisemblablement devant un cas de réemploi de croix de calvaire. Ces croix de calvaire, fréquemment installées dans les cimetières d'église, représentaient généralement le Christ en relief sur l'avers et au revers "soit la Vierge, soit le patron de l'église" (Abel Beaufrère, R.H.A., T. 49, 1983).

Les maçons de l'époque auront choisi d'orienter la croix côté revers, plat, plutôt que l'avers en relief, englouti de fait dans la maçonnerie. Pascale Moulier nous apprend que l'église d'Escorailles fut "dédiée jadis à Saint-Blaise, aujourd'hui  Saint-Jean-Baptiste" (Eglises romanes de Haute-Auvergne, Editions CREER, p. 173). De là à imaginer que c'est l'ancien patron de l'église d'Escorailles qui dort ainsi au pied du mur de l'église, il n'y a peut-être qu'un pas ?

DTF, oct. 2021



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