Le Cantal et la dernière maîtresse de Louis XIV

Les cheveux châtains très clairs, tirant sur le roux, le teint tout aussi clair, les yeux bleu-gris, la taille fine et le regard mélancolique, ainsi est généralement décrite Marie-Angélique de Scorailles. C’est d'ailleurs sa beauté qui lui vaudra d’être introduite à la cour par l’intermédiaire d’un cousin de son père en tant que fille d'honneur de la princesse Palatine, duchesse d'Orléans, belle-sœur du roi.


Détail du seul portrait incontesté de Madame de Fontanges (1678), oeuvre du peintre Pierre Mignard (1612-1695) évoqué dans l'inventaire des tableaux du roi : "vestue d'un manteau bleu, assise et appuyée sur un carreau de velours cramoisi, tenant des roses et une anémone dans ses mains ..." ,

Marie-Angélique est née à Cropières (Raulhac, Cantal) en 1661, elle est la plus jeune fille de Jean-Rigal de Scorailles (1618-1682), maître de camp du régiment d'Espinchal et de Eléonore (Ludovicienne) de Plas (1623-1685), dame de Cologne à Naucelles. C’est grâce à Marie-Angélique, devenue entre temps duchesse de Fontanges, que le château de Cropières sera reconstruit à partir de 1681 (après sa mort). Sept ans plus tard, le 22 août 1687, son père fera construire la chapelle du Cantal dans les monts du Cantal (Puy Gros) pour les bergers, une tentative de rachat pour le "sacrifice" de sa 3e fille ?

 

De la chapelle de 1687 ne restent que quelques pierres et une croix de ... 1997

Dans le Dictionnaire Statistique du Cantal, la demoiselle du château de Cropières est évoquée dans un style tout particulier et avec quelques inexactitudes :

« Le château de Cropières vit naître sous ses lambris la trop célèbre duchesse de Fontanges. Marie-Angélique de Scorailles était fille de Louis, marquis de Roussilhe, et de Guillemine de Fontanges (NDLR cf. § ci-dessus). Elle quitta les solitudes rêveuses de la vallée du Goul pour se rendre à Paris auprès de la reine, et fut l'une de ses filles d'honneur. Le roi était fatigué des hauteurs et des violences de Mme de Montespan. La beauté de Mlle de Scorailles brillait de tout son éclat. Le roi fut épris des charmes de cette blanche fleur de nos contrées. Marie fut fragile comme ne le sont que trop souvent les jeunes filles des montagnes, mais sans espoir de se relever de sa faute. Le monarque était si beau, ses grandeurs avaient tant d'éclat ! Quelques gouttes du sang de Scorailles ne circulaient-elles pas dans ses veines ? Marie céda au caprice royal. On la vit en peu de temps dispensatrice de toutes les grâces et l'objet des adorations de la cour. Elle fut tellement éblouie de sa faveur, qu'elle passait devant la reine sans la saluer … Marie fut créée duchesse de Fontanges ; mais ce règne si brillant n'eut qu'une courte durée ; Marie portait dans son sein le germe fatal. Mère coupable, son fils mourut en venant au monde ; les suites de ses couches lui ravirent tous ses charmes ; avec eux elle perdit le cœur du roi qui n'avait trouvé en elle que des jouissances vulgaires. Abandonnée du roi, elle se retira dans l'Abbaye-aux-Bois (NDLR : en réalité, elle se retira à l'abbaye de Chelles puis fut transportée à l'Abbaye-aux-bois où elle mourut) ; elle y descendit dans la tombe peu de temps après, en 1781, à peine âgée de vingt ans »

 

Petite erreur d'un siècle (!) sur cette carte postale ancienne, il faut lire 1661 au lieu de 1761

Il s’agit là d’une narration très romancée, la réalité historique est, hélas, bien plus triviale. En effet, à ce moment-là de sa vie, Louis XIV commence à se lasser des caprices de sa maîtresse, Madame de Montespan, cette dernière étant particulièrement jalouse de la gouvernante de leurs enfants, Madame de Maintenon. Pour détourner le roi de cette rivale, elle lui présente la délicieuse Marie-Angélique et le stratagème fonctionne puisque le roi succombe au charme de cette jeune beauté. L'ambassadeur de Prusse Ézéchiel Spanheim a rapporté que :

 

« Mlle de Fontanges vint à la Cour dans l'année 1679, avec le dessein formé et les espérances fomentées même par ceux de sa famille, de faire du roi son amant ... Le duc de La Rochefoucauld, un des courtisans les plus accrédités dans les bonnes grâces du roi, fut l'entremetteur de sa passion et n'eut pas de peine à y faire répondre agréablement la dame ».

Il est vrai que quelques mots doux, une paire de pendants d'oreilles, un sautoir de perles ainsi que de 12 millions en trois ans peuvent être convaincants.


D'abord secrète, leur liaison fut révélée au printemps 1679. C’est ainsi que Marie-Angélique accompagne souvent le roi dans ses parties de chasse. Il faut l’imaginer chevauchant aux côtés du monarque et, grisée par l’allure, défaire son chignon, puis, ses cheveux retombant sur ses épaules, les retenir avec la jarretière qu’elle vient d’arracher à son vêtement. Hasard ou calcul, peu importe, le roi est charmé, conquis, à tel point qu’il exige de sa maîtresse qu’elle se coiffe ainsi tous les jours.

La coiffure dite « à la Fontanges » est née, toutes les femmes de la cour l’adoptent, c’est la surenchère, une véritable débauche de boucles, de mèches savamment travaillées, de pièces de métal, de mousseline et de rubans frappe les courtisanes qui rivalisent d’audace, accumulant les constructions capillaires, les palissades, les monte-là-haut, les souris, allant jusqu’à à la limite de l’équilibre. Le ridicule n’est pas loin. Le roi s’en mêle, déplore ces excès puis se désintéresse de ce qu’il trouvait jusque là si charmant, la coiffure et la demoiselle.

Madame de Maintenon essaie de convaincre Marie-Angélique de renoncer à son statut de favorite. Sans se démonter le moins du monde, celle que ses rivales décrivaient « Belle comme un ange, avec un cœur excellent, mais sotte comme un panier », répond du tac au tac : « Madame, vous me demandez de me défaire d'une passion comme on quitte une chemise ! Vous ne connaissez donc rien aux mouvements du cœur ? » .

En décembre 1679, Marie-Angélique accouche d’un fils mort-né, Auguste de Bourbon – certains avancent qu’il aurait vécu jusqu’en janvier 1680 – puis, bien qu’affaiblie par cet épisode, on la revoit à la cour en ce début 1680, plus radieuse que jamais. Son état de santé va pourtant rapidement se dégrader, la jeune femme souffre de pertes de sang (fausse couche ? Empoisonnement ?). La maladie altérant le principal atout de Marie-Angélique, à savoir sa beauté, Louis XIV se désintéresse complètement d'elle. Signe de sa disgrâce, le 6 avril 1680, il la fait duchesse de Fontanges et lui octroie une pension.

Enfin, en cette période troublée de l'affaire des poisons, le bruit, a couru, répandu par plusieurs prisonniers de la Chambre ardente, que, par dépit amoureux, la marquise de Montespan voulut  "empoisonner le roi et sa nouvelle maîtresse, la jeune et jolie Marie-Angéliques de Fontanges" 

C'est à l'abbaye de Chelles dont sa soeur, la révérente mère Jeanne de Scorailles (1655-1699) fut abbesse de 1680 à 1688 qu'elle se retire. Elle y aurait échappé à une tentative d'empoisonnement. Quant à Louis XIV, il lui aurait tardivement rendu visite et laissé échapper quelques larmes, ce qui aurait fait dire à la duchesse : « Je meurs contente, puisque mes derniers regards ont vu pleurer mon Roi».

On la transporta à l'abbaye de Port-Royal à Paris où elle mourut le 26 juin 1681, quelques jours avant son 20e anniversaire. 

Le château de Cropières qui vit naître Marie-Angélique de nos jours.

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