Le petit train de Palavas
Le texte ci-dessous figurait dans un petit cahier retrouvé dans les papiers de ma mère. Je conserve, moi aussi, de merveilleux souvenirs de ce fameux petit train de Palavas que j'empruntais l'été avec ma grand-mère maternelle. C'était exactement le même cirque que celui décrit ci-après.
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Le petit train de Palavas (Albert Dubout, 1905-1976) |
1947. La guerre vient juste de prendre fin. A cette époque, n’existait pas l’exode des vacances, nos vacances se passaient à faire ce petit trajet Montpellier-Palavas et tous les vieux Montpelliérains conservent de merveilleux souvenirs du petit train, immortalisé par Dubout. A notre arrivée, la petite gare était déjà noire de monde, cris, bousculades, des familles entières étaient là, encombrées et recomptant leurs enfants.
La plupart des voyageurs étaient en tenue légère, shorts, chemisettes, sandales, les enfants, chargés de seaux, de pelles ou de ballons, étaient souvent déjà en maillot de bain, avec un petit vêtement par-dessus qui laissait voir leurs jambes bronzées. Après avoir fait la queue pour obtenir nos billets, nous passions sur le quai de la gare et là, en habitués, nous allions assez loin à pied pour prendre un wagon qui ne soit pas très loin de la sortie à la gare d’arrivée. Mais il ne fallait pas non plus être trop près de la locomotive qui envoyait ses escarbilles jusqu’à l’intérieur des wagons car tout était grand ouvert. Lorsque le train arrivait en gare de Montpellier, il était pris d’assaut. On aurait dit que notre vie dépendait de la prise de possession des wagons. Mais nous, les enfants, n’aimions pas nous presser car notre grand désir était de ne plus avoir de places à l’intérieur pour avoir le droit de rester sur la plate-forme extérieure ou mieux encore sur les marches qui y accédaient. Je ne réalisais ce rêve que plus tard car ma mère, première à l’abordage, nous gardait toujours plusieurs places assises.
Enfin casés, les sacs calés entre nos pieds ou sur nos genoux, nous attendions le départ. Encore dix minutes de patience et le train s’ébranlait en cahotant après le coup de sifflet du chef de gare. D’abord très lent dans la traversée de Montpellier, il prenait peu à peu de la vitesse. Les enfants à genoux sur les banquettes regardaient défiler le paysage, il ne fallait pas trop se pencher à la fenêtre pour ne pas recevoir des escarbilles dans l’œil mais quelle tentation, d’avoir le visage fouetté par le vent de la vitesse aussi, souvent, un gosse réintégrait complètement le wagon en pleurnichant, ce qui était le meilleur moyen de chasser le petit morceau de charbon égaré dans son œil. Il y avait plusieurs arrêts, la Céréide, Lattes, les Cabanes et des endroits réputés particulièrement dangereux lorsque le train passait à vitesse réduite sur le pont de fer qui enjambait le Lez ou sur le pont des quatre canaux, à ce moment-là, je devais me tenir tranquille à l’intérieur bien que le bruit particulier du train qui vibrait en passant sur les armatures métalliques me donnait envie de voir cela de plus près.
Peu après, c’était l’arrivée à Palavas, premier arrêt rive droite que nous ignorions, nous descendions rive gauche. Là, nouvel affolement, il fallait recompter les enfants, les paquets et ne pas se perdre dans la cohue de la sortie ….
Quand l’heure du retour approchait, il fallait se rhabiller, rassembler les affaires et reprendre le chemin de la gare. Sur les quais, c’était le même processus qu’à l’aller. Là encore ma mère excellait à garder des places pour tout le monde, les gros sacs accrochés à ses bras, elle se hissait sur les marches du wagon avec énergie en passant devant tout le monde. Une fois installés, nous revivions par la pensée nos jeux et nos rires en faisant des projets pour la prochaine fois, le lendemain ou le surlendemain.
A l’approche de la gare de Montpellier, chacun avait son billet de retour qu’il fallait donner à l’employé qui se trouvait au portillon, la consigne maternelle était qu’il fallait essayer de passer sans donner le billet qui nous servirait pour la prochaine fois. Dans les bonnes périodes, nous faisions deux ou trois voyages de retour avec le même billet et nous n’avions qu’un aller-simple à payer. Peut-être avons-nous ainsi contribué à la faillite du réseau mais ce fut bien des années après que le petit train fut supprimé malgré les pétitions répétées des usagers au début des années 70.
La ligne Montpellier – Palavas-les-Flots, ouverte le 6 mai 1872, fut exploitée par la Compagnie des chemins de fer d’intérêt local du département de l’Hérault, elle reliait l’Esplanade à Montpellier à Palavas-les-Flots, elle a définitivement fermé le 31 octobre 1968 après plus de quatre-vingt-seize ans de service commercial. Je l'ai sans doute emprunté durant l'été 1968 sans savoir que c'était la dernière saison, j'avais 9 ans.
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