Des fromages 100 % au lait cru de Salers

Délaissé pour la production de fromage, y compris pour l’AOP Salers, le lait de vaches Salers présente pourtant des qualités fromagères exceptionnelles en raison d’un rapport matière grasse/matière protéique proche de 1,2.

Non dépourvu d’ambiguïté, le label AOP Salers, s’il répond à un cahier des charges précis et contraignant, ne signifie en aucune manière qu’il s’agit d’un fromage fabriqué à partir de lait de vaches Salers contrairement à ce que l’appellation pourrait laisser penser. Nulle part et à aucun moment, il n’est fait mention de l’origine du lait utilisé, peut-être pour ne pas avoir à préciser que le fromage Salers n’est justement pas fabriqué avec du lait de Salers mais avec du lait de Montbéliardes ou de Prim’Holstein dont la traite est bien moins chronophage que celle des Salers.

Montbéliarde

Heureusement, quelques irréductibles passionnés, regroupés au sein de l’association « Salers Tradition » depuis 1991, travaillent encore en Salers traite dans le Cantal (et dans le Puy de Dôme). Parce que la vache Salers, excellente mère, ne donne pas son lait à n’importe qui, il faut que le veau amorce la traite puis que le vacher prenne le relais :


« La traite des vaches Salers est unique et spécifique, car la présence du veau est indispensable pour récolter le lait. C’est en effet le veau qui amorce la traite. Après avoir absorbé les premiers jets, il est attaché à la patte avant de sa mère et le vacher peut entreprendre la traite de 3 trayons. En effet, le dernier trayon n’est pas trait pour satisfaire les besoins de croissance indispensable du jeune. Le veau est ensuite libéré et réalise l’égouttage de la mamelle. Cette technique spécifique rend la composition du lait différente, avec un rapport matière grasse/matière protéique voisin de 1,2 qui se traduit par des qualités fromagères exceptionnelles. Le lait issu des troupeaux de Salers est destiné à la fabrication d'AOP Salers Tradition, AOP Cantal et AOP St Nectaire. De multiples sous produits viennent agrémenter cette production » (https://www.salers.org/fr/les-produits/lassociation-tradition-salers).


Ainsi, l’ensemble des productions bénéficiant du label « Salers Tradition » sont des productions fermières exclusivement à base de lait de vaches Salers.

Si les contraintes du label AOP Salers Traditions sont très lourdes, les normes extrêmement précises il n’en demeure pas moins qu’au final une note basée sur le goût d’un jury suffit à faire perdre le fameux sésame AOP Salers. Charlotte Salat du GAEC Salat à Cussac (Cantal) en sait quelque chose, elle qui a été déclassée en mai 2018 – le jury ayant qualifié de «aigres», « amères » ou « rances » alors que son fromage est servi à la table de plusieurs chefs de renom et vendu en crèmerie. Malgré la perte de cette appellation, ces derniers continuent de lui accorder leur confiance, preuve que le goût du consommateur peut l’emporter sur le label. Charlotte a donc créé son propre label, le très phonogénique Salers Salat.

En dehors du Salers Tradition qui correspond obligatoirement à un secteur géographique déterminé, d’autres éleveurs fabriquent un fromage fermier spécifique, tels que le Gaec Cambon (L’hôpital, 15250 Saint-Paul des Landes), dont L’Acajou, une tome au lait cru de Salers, d’environ 3 kg est vendue directement à la ferme, dans les crèmeries et sur les marchés l’été. L’Acajou n’a rien à voir avec le fromage Cantal, son goût évolue au fil du temps, en fonction de l’affinage et même de la production de lait (printemps, été, automne) et sa texture assez ferme en est fort éloignée. Une chose est sûre, il ravit les palais de petits et grands, ce qui garantit une certaine paix familiale autour du plateau de fromage. Bref, le goûter c’est l’adopter, parole de mamie !


Pour conclure si vous voulez déguster du fromage fermier au lait cru de vaches Salers, ne vous fiez pas de la trompeuse appellation AOP Salers, préférez-lui le Salers Tradition tout en sachant qu’il existe de remarquables spécialités à base de lait cru de vaches Salers qui ne bénéficient pas du label mais de la reconnaissance des (vrais) amateurs en raison de leur goût et de l'évolution de celui-ci dans le temps et selon les saisons, loin des standards du l'uniformisation.

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